le risque douanier

 

 Entretien avec Monsieur Cheick Oumar SYLLA, Lieutenant des Douanes, Délégué de l’Association Internationale des Douaniers Francophones (AIDF) / Côte d’Ivoire

 

Propos recueillis par Monsieur Ghenadie RADU, Docteur en droit, ALTAPRISMA (formations douane et commerce international), Membre bienfaiteur de l’AIDF

 

Paris, le 5 septembre 2024

 

 

Dr Ghenadie RADU : Merci d’avoir trouvé le temps de m'accorder cet entretien. Pourriez-vous vous présenter brièvement, s’il vous plaît ?

 

M. Cheick Oumar SYLLA : Lieutenant des Douanes Ivoiriennes, je suis délégué Côte d’Ivoire de l’Association Internationale des Douaniers Francophones (AIDF).

 

Dr Ghenadie RADU : Comment pourriez-vous définir le risque douanier ? Quels seraient, selon vous, les principaux risques sur le plan douanier pour les entreprises ayant des activités commerciales internationales ?

 

M. Cheick Oumar SYLLA :  Le risque douanier peut être défini comme l’ensemble des incertitudes et des menaces (obstacles) auxquelles une entreprise pourrait être confrontée à l’occasion de ces activités commerciales internationales dans le cadre des procédures douanières.

 

Les risques sur le plan douanier pour les entreprises ayant des activités commerciales internationales sont multiples. On pourrait citer entre autres :

  • les risques liés à la non-conformité à la réglementation douanière ;
  • les risques liés aux délais et aux retards.

S’agissant du premier groupe, ces risques peuvent survenir à l’occasion de l’inobservation ou de la non-conformité aux dispositions douanières, soit au niveau national, soit au niveau international.

 

Au niveau national, l’inobservation de la réglementation peut engendrer des coûts supplémentaires pour les entreprises en raison des sanctions, des amendes et tout autre frais prévus par la loi nationale du fait des erreurs notamment sur les éléments de dédouanement (mauvaise classification tarifaire et / ou mauvaise évaluation en douane), ainsi que de la non prise en compte de certaines instructions à l’importation ou à l’exportation (restriction commerciale, sanitaire, etc.).

 

Au niveau international ces risques peuvent survenir à l’occasion de l’inobservation des restrictions internationales pour ce qui concerne les zones économiques, régionales, ou sous-régionales, notamment dans l’espace CEDEAO, UE. Ces restrictions peuvent être politiques (embargo), commerciales ou sanitaires. Il incombe donc aux entreprises de tenir compte de ces restrictions ou dispositions internationales afin d’éviter des charges supplémentaires dans le cadre de leurs activités internationales.

 

En ce qui concerne le second groupe, les risques qui s’y rapportent peuvent affecter les délais conventionnels de livraison en raison de la lourdeur des formalités d’inspection douanière qui vont générer des retards dans le cadre de l’exécution des contrats, notamment de vente internationale.

 

Dr Ghenadie RADU : Pourquoi il est si important, pour toutes entreprise œuvrant à l’international, d’anticiper et de prendre en compte le risque douanier en amont de toute opération ?

 

M. Cheick Oumar SYLLA : Pour toute entreprise œuvrant à l’international, il est important d’anticiper et de prendre en compte le risque douanier en amont de toute opération, et cela pour diverses raisons :

 

Les coûts liés aux opérations : Les droits de douane, ainsi que les taxes connexes représentent une part importante dans la détermination, par ces entreprises, des coûts liés aux importations et aux exportations. Une mauvaise appréciation, ainsi qu’une gestion non maitrisée de ces coûts peuvent affecter la rentabilité de ces entreprises. L’anticipation des exigences douanières permet aux entreprises d’optimiser les coûts liés à ces opérations à travers notamment le choix du meilleur régime douanier, l’utilisation optimale des accords de libre-échange ou encore des exemptions fiscales.

 

Le respect de la loi douanière : La connaissance de la réglementation douanière des pays concernés par les opérations d’importation ou d’exportation est cruciale. La prise en compte de la relativité des procédures permettra aux entreprises de mieux se saisir des restrictions, des quotas, des normes de sécurité ou des exigences de documentation. L’inobservation de ces dispositions peut entraîner des amendes, la saisie de marchandises ou des poursuites judiciaires. L’anticipation dans un tel cadre permet aux entreprises d’éviter toute forme de sanction légale.

 

La réduction des délais de livraison : Les retards dus à des procédures douanières peuvent perturber les chaînes d’approvisionnement, ce qui peut entraîner des pénalités de retard, des ruptures de stock, et nuire à la satisfaction des clients. Une planification proactive permet de prévoir les délais de dédouanement et de réduire les risques de retard.

 

La prévention des litiges : Les différends avec les autorités douanières sur le classement des produits, la valeur déclarée ou l’origine des marchandises peuvent entraîner des enquêtes et des audits, ce qui peut nuire à la réputation de l’entreprise et entraîner des coûts supplémentaires. Anticiper ces questions aide à minimiser le risque de litiges.

 

L’adaptation aux évolutions règlementaires : Les régulations douanières évoluent régulièrement, notamment en raison des tensions commerciales, des changements géopolitiques, ou des nouvelles réglementations internationales (comme les Accords de l’OMC). Une entreprise qui observe activement ces évolutions et adapte ses stratégies douanières sera plus agile et mieux préparée à ces changements.

 

La protection de la réputation de l’entreprise : Les problèmes liés à l’inobservation des dispositions douanières peuvent nuire à la réputation d’une entreprise à l’international. Respecter les réglementations locales et internationales en matière de douane renforce la crédibilité et la fiabilité de l’entreprise auprès de ses partenaires commerciaux, clients et autorités.

 

En somme, la gestion proactive du risque douanier permet à une entreprise d’éviter des coûts imprévus, des retards, des pénalités, et de maintenir sa compétitivité sur le marché international.

 

Dr Ghenadie RADU : En matière de risque douanier, peut-on parler des spécificités propres aux pays développés et aux pays en développement ?

 

M. Cheick Oumar SYLLA : A cette question, nous pouvons répondre par l’affirmative. En effet, il existe des spécificités en matière de risque douanier qui diffèrent entre les pays développés et les pays en développement. Ces spécificités sont parfois liées à des facteurs économiques, institutionnels et légaux qui influencent la gestion et le contrôle des Douanes.

 

Dans les pays développés, les procédures douanières sont généralement plus strictes et complexes en raison de la diversité des produits importés et exportés, ainsi que de la nécessité de protéger les industries nationales. Les contrôles douaniers sont souvent plus rigoureux et les sanctions, en cas de non-respect des règles douanières, sont plus sévères.

 

En revanche, dans les pays en développement, les infrastructures douanières peuvent être moins développées et les contrôles moins efficaces en raison de ressources, souvent limitées. Cela peut entraîner un risque accru de fraudes et de contrefaçons, ainsi que des délais plus longs pour le dédouanement des marchandises. Les entreprises opérant dans ces pays doivent donc être particulièrement vigilantes et mettre en place des mesures adaptées de gestion des risques douaniers.

 

Il est donc important pour les entreprises de prendre en compte ces spécificités lorsqu'elles opèrent à l'international et de s'assurer de respecter les réglementations douanières en vigueur dans chaque pays où elles font des affaires.

 

Dr Ghenadie RADU : Quels seraient, selon vous, les mesure à mettre en place au sein des entreprises tournées à l’international afin de limiter les risques en matière douanière ?

 

M. Cheick Oumar SYLLA : Voici une liste (non-exhaustive) des mesures qui pourraient être mises en place :

  1. Former le personnel : S’assurer que les employés sont formés sur les règles et réglementations douanières en vigueur dans les pays où l'entreprise opère. Cela permettrait de réduire les erreurs et les risques de non-conformité.
  2. Mettre en place des procédures internes : Développer des procédures internes claires et efficaces pour gérer les transactions douanières, y compris la documentation et le classement des marchandises.
  3. Collaborer avec des experts en douane : Travailler en étroite collaboration avec des courtiers en douane ou des consultants spécialisés pour s'assurer que les processus douaniers sont correctement gérés et conformes aux réglementations locales.
  4. Effectuer des audits réguliers : Réaliser des audits réguliers pour évaluer la conformité aux règles douanières et identifier les éventuels risques ou lacunes à corriger.
  5. Utiliser des outils technologiques : Investir dans des logiciels de gestion des douanes pour faciliter le suivi des transactions, la gestion des documents et la conformité aux réglementations douanières.

En mettant en place ces mesures, les entreprises tournées à l'international pourraient réduire les risques en matière douanière et assurer une gestion efficace de leurs opérations commerciales à l'échelle régionale ou mondiale.

 

Le mot de la fin :

 

M. Cheick Oumar SYLLA : Je vous remercie de m’avoir donné la possibilité d’aborder ce sujet si important pour les entreprises et les Administrations douanières. J’espère que cet échange pourra profiter à l’ensemble des acteurs intervenants dans le commerce international.

 

 

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Commentaires: 1
  • #1

    AFFI Meliane (jeudi, 05 septembre 2024 15:26)

    Je suis heureuse de lire mon délégué. Je le remercie pour ces propos qui pourraient nous aider dans nos différents exercices sur terrain. Merci pour ces conseils tant dans notre vie professionnelle et autres.