Entretien avec Monsieur Jean SLIWA, ancien cadre supérieur des douanes françaises, auteur d’ouvrages sur l’import-export et les contrôles
Propos recueillis par Monsieur Ghenadie RADU, Dr. en droit, Directeur d’Altaprisma
(formations douane, transport et logistique à l'international)
Paris, le 26 avril 2019
Altaprisma : Merci d’avoir accepté de nous accorder cet entretien. Pourriez-vous vous présenter brièvement, s’il vous plaît ?
J. Sliwa : Fonctionnaire des douanes, j’ai exercé mes fonctions durant plusieurs années en surveillance, puis dans les opérations commerciales comme inspecteur et cadre supérieur.
Dans ce domaine du dédouanement, j’ai notamment été chargé de contrôles physiques, sur pièces et a postériori dans les écritures et comptabilités des entreprises, puis j’ai occupé des postes de receveur de bureaux de douane et de fondé de pouvoir dans une Recette régionale, tout ceci au contact des dirigeants, des commerciaux, des chargés de produits, des comptables des entreprises importatrices et exportatrices, des commissionnaires en douane, des transporteurs et gestionnaires d’entrepôt, des chargés de cautionnement, etc., qui m’ont beaucoup appris sur leurs activités et leurs difficultés.
Ces connaissances et l’expérience acquises m’ont amené à animer des formations au niveau local, à l’Ecole nationale des douanes ainsi que, ponctuellement, à l’étranger, puis, durant deux années comme vacataire au CNAM et dans un IUT, et ensuite à écrire entre autres plusieurs livres qui témoignent de mon intérêt pour le partage des connaissances : « L'audit, les contrôles internes et les fraudes » ; « Le Guide des contrôles comptables » ; « L’import-export présenté, expliqué et commenté aux TPE et PME », publiés aux éditions Emerit Publishing en 2011 et 2014 et aux éditions du Puits Fleury, en 2016.
Altaprisma : Vous venez de publier un ouvrage portant sur « Le Tarif des douanes à l’import-export présenté et expliqué », Editions Edilivre, 2019. Pourquoi un tel livre ?
J. Sliwa : Lors de mes contacts avec les représentants des entreprises, des PME notamment, les déclarants, j’ai souvent constaté que des difficultés d’approche du tarif subsistent, principalement quand la marchandise n’y est pas nommément reprise. Et que cette matière parfois compliquée, qui requiert précisément une certaine expertise et de la méthode, n’était pas toujours pleinement maîtrisée. Quelques outils et moyens de parvenir au classement sont parfois méconnus, ou imparfaitement utilisés, par ailleurs. D’où cet ouvrage qui tend à prévenir les conséquences évoquées ci-dessous et à répondre à ces quelques insuffisances résultant le plus souvent d’un manque de prise en compte de l’importance du classement, de défaillances en matière d’organisation, de coordination, de préparation, de formation et non pas intrinsèquement de compétences.
Etant précisé que le classement d’un produit est aussi utilisé à l’import-export à d’autres fins que le dédouanement, par exemple, quand il s’agit de concevoir un produit, de le fabriquer, de déterminer son prix, de réaliser des études de marché, de comptabiliser et d’analyser la rentabilité des opérations. Ces points, et d’autres, comme l’utilisation des statistiques, sont de même abordés dans cet ouvrage.
Altaprisma : Il est communément admis que le classement tarifaire consiste à trouver la position tarifaire qui correspondrait au mieux à une marchandise donnée. Pourquoi est-il si important de ne pas se tromper concernant le classement en question ?
J. Sliwa : Le classement aboutit aux droits et taxes et aux mesures nombreuses et diverses applicables à l’import-export et, ce qui n’est pas sans intérêt, lors de la mise sur le marché des produits. Un classement inexact peut comporter, y compris quand il est involontaire, des conséquences irréversibles : des reprises de droits et taxes sur plusieurs années, des pénalités, des saisies de marchandises, des risques de perte de marché pour un fournisseur, le blocage de marchandises en douane, la non répercussion des droits supplémentaires acquittés à l’acheteur final, etc.
Inversement, un importateur peut être amené, du fait d’un classement inapproprié, à régler des droits à des taux plus élevés que ceux prévus et à appliquer des mesures contraignantes, à tort, à son détriment donc, à divers titres : de prix, de concurrence, de charge de travail, etc.
Altaprisma : En pratique, comment détermine-t-on la position tarifaire d’une marchandise ? Quels sont les principes, les règles, les méthodes permettant de le faire ?
J. Sliwa : La première démarche consiste à identifier dans tous ses aspects, le plus précisément possible, la marchandise, la seconde à se reporter au sommaire, aux libellés des positions et des sous-positions, aux notes de section et de chapitre du tarif, la troisième aux Notes explicatives, la quatrième, en l’absence de réponse, aux bases informatisées des décisions de classement des entités habilitées à les fournir, sans oublier les règles générales du Tarif, qui ont pour vocation de permettre la détermination du classement de tout produit.
Au niveau des moyens, si les applications informatisées sont très présentes et utiles, le tarif papier conserve à mon avis, entre autres, l’avantage de favoriser la compréhension, plus commodément, du système de classement.
Altaprisma : Comment procéder lorsque des doutes s’installent concernant le classement d’une marchandise dans une position tarifaire ou une autre ? Auriez-vous des exemples à nous donner ?
J. Sliwa : Des interprétations sont en effet toujours possibles pour certains produits, et les avis peuvent diverger, y compris parfois entre collègues aguerris. Si ce doute survient après avoir épuisé tous les moyens de recherche existants, il est utile de susciter des avis extérieurs, en interne, s’ils existent, et/ou auprès d’un conseil, d’un déclarant en douane, de la douane, des avis qualifiés d’entités habilitées en toute hypothèse, sachant qu’une analyse de composition du produit en laboratoire est dans certaines situations nécessaire pour déterminer son classement.
Il convient en tout cas d’éviter de se satisfaire d’un avis verbal, non argumenté, de céder à la tentation de choisir par défaut une sous-position « refuge » ou le positionnement le plus favorable en termes de taxation et de mesures.
Altaprisma : Sur quelles règles se baser pour trouver le bon classement tarifaire concernant les produits à fonctions multiples ? Par exemple : imprimante dotée d’un important dispositif de scannage ; appareil photo reflex doté d’un sérieux dispositif d’enregistrement vidéo lui permettant de rivaliser avec certains caméscopes les plus performants ; lunettes de ski dotées d’un dispositif d’enregistrement vidéo ; etc.
J. Sliwa : Le caractère essentiel, l’usage, la destination et la matière constitutive du produit, sont les critères les plus déterminants prévus par les règles générales.
Dans l’absolu, dans les cas évoqués ci-dessus, il convient en toute hypothèse de se reporter aux libellés et aux notes de section et de chapitre du tarif, aux Notes explicatives, aux règles générales et aux décisions de classement. A défaut de trouver cette position, il est possible de faire appel à l’administration. C’est ce que font régulièrement les entreprises concernant les produits dont le caractère essentiel est par nature susceptible d’interprétation, sujet à contestation.
Altaprisma : Lorsque les doutes ne sont pas complètement dissipés concernant le classement d’un produit dans une position tarifaire ou une autre, il serait possible de recourir au dispositif de « Renseignement Tarifaire Contraignant » (RTC). Qu’en est-il de l’application de ce dispositif sur le terrain ? Est-il efficace, surtout pour les petites et moyennes entreprises ?
J. Sliwa : La demande de « Renseignement Tarifaire Contraignant » est à l’évidence le moyen pour toute entreprise et pour les déclarants en douane qui se trouvent confrontés à cette situation, de disposer d’une décision de classement qui ne peut être remise en cause par l’administration, du fait de ce caractère contraignant qui s’impose aux bureaux de dédouanement de l’Union européenne.
Pour en savoir plus sur ce principe de précaution, j’invite les lecteurs intéressés à se reporter sur le site des douanes aux articles dédiés accessibles à partir de ce lien : http://www.douane.gouv.fr/contact-et-assistance/recherche?recherche=RTC.
Le mot de la fin
J. Sliwa : La détermination du classement d’une marchandise dans le tarif douanier commun constitue à mon avis le point de départ de la réalisation d’une opération d’import-export, du fait des coûts financiers en termes de droits et taxes, des mesures applicables, des enjeux économiques, de rentabilité, …et des conséquences, en cas d’inexactitude. Dans ce domaine, il s’agit de s’en tenir aux fondamentaux, à une méthode de recherche rigoureuse, adaptée, et de maîtriser les outils informatiques à disposition ; une formation comportant l’acquisition des connaissances utiles et d’un savoir-faire d’un niveau suffisant est à cet effet souhaitable.
Sachant qu’il est quelquefois difficile de trouver un classement, que si le doute n’est pas permis au final, il ne constitue pas en soi un obstacle insurmontable pour les raisons évoquées ci-dessus.
Pour la compréhension du système de classement et de la méthode employée, je recommande également la lecture des décisions de classement des douanes, de l’Union européenne et des arrêts rendus par la Cour de Justice de l’Union européenne.
Altaprisma : Nous vous remercions pour vos éclairages.
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